Loi Climat et résilience

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Issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a été présenté en Conseil des ministres le 10 février 2021.

Pour discuter des avancées initiées par la convention citoyenne pour le climat, Marjorie Goujon a invité quatre parlementaires du Mouvement Démocrate : Florence Lasserre (députée des Pyrénées-Atlantiques), Frédérique Tuffnell (députée de la Charente-Maritime), Richard Ramos (député du Loiret et secrétaire général adjoint du MoDem) et Erwan Balanant (député du Finistère). Les thèmes déclinés dans le projet de loi concernent directement les aspects essentiels de notre vie quotidienne : se déplacer, consommer, se nourrir, se loger, se déplacer. Comment les députés et les citoyens tirés au sort ont-ils travaillé ensemble ? Quelles premières leçons tirer de cette coopération inédite ?

Les quatre députés ont salué cette innovation démocratique, qui donne à la parole citoyenne une place réelle. Erwan Balanant a insisté sur le caractère très revigorant de la démocratie participative pour une démocratie à bout de souffle : pour autant, la représentation politique conserve toute son utilité. C'est la première fois qu'un pays entreprend une telle expérimentation démocratique, avec un spectre de sujets aussi large. évidemment, il y aura de petits ajustements à faire dans l'articulation avec la représentation nationale. Il faudrait notamment travailler davantage les questions en amont ensemble, parlementaires et citoyens réunis.

Richard Ramos se réjouit de voir les citoyens s'emparer de questions essentielles. Mais il remarque que les 149 propositions reflètent en grande partie les orientations des ONG qui sont venues parler devant eux. Il faut que les citoyens apprennent à construire une pensée qui est la leur. Les députés, eux aussi, sont souvent confrontés à davantage spécialistes qu'eux. Il faut discerner et apprendre à se former ses propres jugements. La parole des citoyens a d'autant plus de poids dans un moment où la parole des élus est de plus en plus rejetée avec défiance. Retisser la relation de confiance entre les citoyens et les représentants est absolument nécessaire.

Florence Lasserre a reproduit l'exercice à l'échelle de son territoire, en demandant à ses concitoyens du Pays-basque : Que pensez-vous de ces 149 propositions ? La démarche s'est révélée très stimulante.

 Frédérique Tuffnell affirme qu'il s'agit d'un moment fort de prise de conscience citoyenne, qui permet de venir compléter ce que de récentes lois avaient initié (loi ELAN, loi Egalim, loi sur l'économie circulaire, par exemple).

D'aucuns regrettent que le projet de loi ne reprenne pas toutes les propositions de la convention citoyenne pour le climat, qu'il n'aille pas assez loin. La convention citoyenne a accéléré les rêves :  Il y a de la frustration, c'est logique. Mais c'est oublier la nature du temps politique, qui procède par étapes. Richard Ramos le souligne : les parlementaires arrivent en pensant révolutionner les choses et, sur une échelle de 100, ils doivent finalement s'estimer contents quand 10 sont réalisées.

Erwan Balanant reconnaît qu'il faut cranter un niveau pour aller plus loin. Mais en aucun cas on ne peut dire que le texte n'apporte rien. Il comporte de belles avancées, et des manques que le groupe MoDem, en particulier, va s'efforcer de combler en poussant plus loin les curseurs. Le renforcement de la protection judiciaire représente un progrès : la mise en place dans chaque ressort de cour d'appel d'une juridiction spécialisée sur les questions environnementales, la recherche de compromis entre les gens qui ont fauté et la justice, par un travail de prévention, représentent le premier étage de la fusée législative. Au second étage, la création de nouvelles qualifications pour protéger la nature. Certes, le crime d'écocide n'a pas été retenu. Pourquoi ? Car, dans le droit français, cela n'aurait servi à rien. C'est au niveau international que la France peut porter cette idée. Le délit d'écocide, lui, est reconnu dans le texte et entraînera des peines équivalentes aux crimes sexuels avec mutilation définitive, soit des peines de dix ans de prison. Un nouveau dispositif est également introduit, qui permet de faire payer au pollueur le décuple de ce qu'il a gagné. Pour avancer plus loin, la voie des amendements demeure capitale.

Florence Lasserre fait remarquer la complexité de nombre de sujets. Sur la rénovation des logements, les citoyens voulaient contraindre les bailleurs à une rénovation globale. Dans les faits, on procède le plus souvent à une rénovation par touches. De même, le récent débat sur les menus de cantine est stérile, qui oppose systématiquement le végétal et la viande. La question est bien plutôt : Comment manger moins de viande, mais de très bonne qualité ? Comment faire pour que les cantines cuisinent de la viande française ? Comment définir ce qu'est un produit local ? Pour Richard Ramos, c'est un produit de ma région ou consommé à moins de 98 km. Frédérique Tuffnell abonde dans ce sens : La crise sanitaire a montré la nécessité d'une alimentation plus saine, grâce aux circuits courts. Richard Ramos rappelle que le groupe MoDem a insisté pour qu'il soit ajouté au texte sur les cantines scolaires "accessible à tous". Ce qui distingue le MoDem, c'est la recherche d'un équilibre, le souci de l'humanisme. Il faut répondre à une demande sociétale.

De même, si l'objectif de zéro artificialisation net des sols est un idéal, il faut tenir compte des réalités. Comment appliquer ce principe sur les territoires ? Erwan Balanant raconte que le député communiste André Chassaigne, très conscient de l'enjeu écologique, a néanmoins lancé ce cri : "Comment je fais, moi, pour ne pas faire mourir mon village ?" On ne peut pas ne pas vouloir densifier nos bourgs et vouloir les revitaliser. Si l'on veut accentuer l'élan vers les campagnes, il va bien falloir loger les gens. Frédérique Tuffnell souligne un paradoxe : Lorsqu'on n'arrive pas à réduire l'impact sur la biodiversité, on cherche à compenser. Mais, de plus en plus, on passe directement à la case "compensation".

Nos quatre députés insistent sur ce point : Il faut expliquer aux citoyens la complexité des réalités, des rapports de force. Mais cela ne doit pas être une excuse pour ne rien faire. C'est par l'action que l'on convainc les gens et que l'on avance. En politique, les choses prennent du temps. La difficulté tient à ce que, aujourd'hui, il y a urgence. C'est tout l'enjeu. Il ne faut pas se cacher derrière la complexité pour ne pas faire.

Il faut que les élus prennent le chemin avec les citoyens, ensemble. Le temps de l'émotion et le temps de la raison doivent se conjuguer pour que l'on décide et que l'on agisse en conscience. L'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité doivent être articulées au mieux.

De nombreux sujets méritent réflexion : l'enjeu de l'eau, crucial pour demain; la question des énergies, l'hydrogène, le nucléaire. Ces temps de débats, essentiels, les députés les prendront. Car l'exercice de réflexion en commun est indispensable. La Convention citoyenne pour le climat s'est révélée salvatrice : Elle a permis de faire le dernier kilomètre dans les textes de loi qui avaient été produits avant, et elle constitue un formidable point de départ pour la suite. Pour le projet de loi sur le climat et la résilience, rendez-vous le 8 mars en commission, puis le 29 mars dans l'hémicycle. Le site de l'Assemblée et celui du Ministère de la Transition Ecologique proposent des tableaux d'objectifs qu'il est intéressant de comparer. Si la décision revient au politique, la prise de conscience écologique et la réflexion citoyennes la soutiennent et la portent.

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