Tribune | Faire le choix de la sobriété et construire la paix pour prévenir de prochaines crises

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Depuis deux semaines, nous assistons, avec un sentiment d’impuissance, à la guerre en cours en Ukraine. Au-delà de la sidération face aux décisions d’un dirigeant et leurs impacts destructeurs, nous constatons tous des enjeux directement liés à ce conflit : dépendance énergétique, alimentaire et en matières premières, contrôle des ressources minérales, risque nucléaire…

Nous devons prendre toute la mesure des questions que cette guerre soulève et repenser nos modèles pour prévenir de nouveaux conflits.

              Le risque de conflits, cela fait partie des conséquences potentielles des problèmes environnementaux pour lesquels les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies. Dans un monde interdépendant où les ressources s’épuisent, où la population augmente, où les changements climatiques engendrent des territoires inhabitables et des migrations, où nous poursuivons, voire renforçons, notre consommation d’énergie et de métaux rares, continuer sur cette trajectoire risque forcément d’exacerber des tensions.

              C’est exactement ce que nous dit le nouveau rapport du GIEC sorti le lundi 28 février, qui nous exhorte à l’anticipation.

Priorisation de l’information oblige, ce rapport aura encore été largement sous-médiatisé par rapport à l’importance de son contenu pour nos vies. Il faut écouter ce qu’il nous dit et le diffuser. Face à la pandémie, nous avons dû revoir nos habitudes de vie. Face à la guerre, l’Europe et donc nous, Européens, nous nous préparons à accueillir des millions de réfugiés ukrainiens.

Nous ne devons plus nous contenter d’agir une fois que nous sommes au cœur des crises, mais tout faire pour les prévenir.

              Le chantier est immense, mais les solutions existent, c’est aussi ce que nous disent les experts. Et comme le suggère à juste titre le Shift Project qui a proposé récemment son Plan de transformation de l’économie française, pour mener cette transition indispensable, il nous faut la planifier. Cela doit être au cœur des enjeux pour les prochaines élections.

              À l’occasion du conflit ukrainien, un mot revient souvent, celui de souveraineté. Les renoncements face aux États dont nous dépendons pour nous approvisionner en énergie et matériaux nous rappellent que nous ne sommes pas autonomes en pétrole, en gaz, en uranium, en métaux rares… en plus du fait que l’exploitation de ces ressources a un impact néfaste sur l’environnement.

              Au-delà de ce besoin de souveraineté, l’évidence doit être la sobriété.

              S’il y a des énergies plus propres que d’autres, moins émettrices de gaz à effet de serre que d’autres, aucune n’est parfaite. Réduire nos besoins en énergie se doit par conséquent d’être une priorité. Comme le montre le rapport du GIEC (fig. SPM.5 p.33), nous devons changer radicalement de trajectoire avant 2030 si nous voulons éviter les pires scénarios et leurs effets en cascade. Et, dans ce contexte, il est complètement illusoire de tout miser sur des changements technologiques. Nous devons donc explorer tous les moyens permettant de réduire notre consommation d’énergie, tant que nous avons encore le choix des solutions devant nous.

              Mais à quelle sobriété sommes-nous prêts ? Car il faut en effet accompagner cette transition en réfléchissant à des alternatives équitables. La crise des gilets jaunes nous a rappelé que tout le monde n’a pas la même facilité à modifier sa mobilité selon son lieu d’habitation et l’accessibilité des services. Les scientifiques du GIEC soulignent aussi fortement dans leur dernier rapport le rôle important de la justice sociale pour faire preuve de résilience face aux bouleversements climatiques. La nécessaire transition vers plus de sobriété doit se faire en prenant en compte les besoins fondamentaux de chacun, que ce soit en France ou dans le monde - où les pays pauvres vivent la double peine d’être les premières victimes du dérèglement du climat.

              Dans ce contexte d’interdépendance, les enjeux écologiques qui concernent l’ensemble de l’humanité, nous obligent à une coopération forte au niveau international. Ce futur qui nous attend ainsi que l’actualité guerrière nous rappellent le besoin indispensable de construire la paix et de préserver nos démocraties. Un monde de paix et de démocratie, comme on le voit dans l’Histoire, n’est pas inné, c’est un chemin que l’on doit bâtir, un dialogue que l’on doit maintenir, des intérêts supérieurs que l’on doit faire converger. La paix et la démocratie sont des piliers indispensables qui sont d’autant plus solides que cette conviction est partagée à tous les niveaux, des relations internationales aux relations individuelles. Les renforcer passe en particulier par l’avènement d’une société davantage basée sur la coopération plutôt que la compétition.

              Cet esprit de coopération, c’est une culture à développer. Nous devons la faire infuser, que ce soit dans la manière dont nous prenons des décisions, dans nos modèles éducatifs ou nos modèles économiques. Desmond Tutu disait : « Nous ne pouvons être libres qu’ensemble, nous ne pouvons survivre qu’ensemble, nous ne pouvons être humains qu’ensemble. » Construire la paix et coopérer, c’est un choix de société. La paix est la condition sine qua non pour une transition écologique réussie, mais elle sera aussi le résultat d’une transition écologique réussie.

Démocrates pour la Planète

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